Stumbling And acting tough, I glare at the suffocating sky
dusk. le crépuscule.
la nuit qui lui succédait était ton élément. dans ton long manteau noir, tu te fondais dans son ombre et son mystère, jumelle aux fantômes à tes talons. c’est ainsi que tu marchais : les mains derrière le dos, cachées sous le tissu, les yeux absents. devant toi flottait edelweiss, résumant votre journée avec enthousiasme, esquissant de grands gestes que tu étais la seule à voir. derrière toi, dissidia, presque plus pensif que tu ne l’étais, à croire que vous partagiez jusqu’à vos états.
vous marchiez en direction de la maison, même si appeler cet endroit ainsi te dérangeait toujours. avant de t’appartenir, l’endroit était à ulrik. tu n’y résidais que par ton rôle, ton devoir de le protéger, d’être à ses côtés au moindre signe de danger. mais avec le temps, tu t’étais habituée. toi, et eux : dissidia, edelweiss, aymeric, vigilante. eux volaient joyeusement par le plafond et la fenêtre, traversaient les murs avec habitude. quant à ton confort, il se lisait dans tes manières : comment tu te repérais dans la cuisine, trouvant la place de chaque chose sans t’y reprendre à deux fois ; comment tu t’arrêtais et fixais longuement les meubles, avec l'impression que quelque chose n'allait pas. ce cadre là est penché. un mouvement de ton index, et tout était corrigé.
tout là bas était impeccable - à l’exception de ton bureau, véritable chaos de papier, livres, ingrédients divers et variés pour potions et objets enchantés. ou peut être étaient-ce des souvenirs ? les rares personnes dignes de les inspecter n’en avait aucune idée. il suffirait d’une incantation pour que tout soit à sa place - mais tu rétorquais : tout l'est déjà. tout comme dans la cuisine, tu t’y retrouvais facilement. peut être que le chaos n’était qu’une tactique de plus pour perdre ceux qui osaient fouiller tes affaires.
décima. tu relevas les yeux vers edelweiss, plantée devant toi. tu arrêtas ta marche, comme si lui rentrer dedans était d’une quelconque importance - n’était-elle pas informe ? et pourtant, tu avais ces égards avec les fantômes. tu les contournais même s’il n’était que du vide, peut être pour les aider à oublier leur douloureuse vérité. il est encore là. le garçon.
tu eus presque un sourire quand résonna à tes oreilles un “humpf” mécontent. celui de dissidia, tu le devinais sans lui adresser un regard. sur beaucoup de choses, vous vous accordiez - mais pas atticus. dissidia le supportait, là où ton allégeance n’allait qu’à ulrik, seulement ulrik.
tu acquiesças avec retenue en direction de ton fantôme, l’esquivant avec grâce pour reprendre ta marche, un sourire mystérieux sur les lèvres. il te suivait depuis quelques temps déjà, et si d’abord, tu n’en avais pas compris la raison - ou peut être ne voulais-tu pas la comprendre ? - les choses avaient gagné en clarté à mesure que sa présence t’était dénoncée par tes spectres.
tu avais une théorie. tu avais une théorie sur tout, après tout. mais celle-ci, tu préférais qu’elle soit fausse. qu’atticus ne s’ose jamais à prendre ton apparence, pour quelques raisons que ce soit. et surtout pas pour s’approcher d’ulrik. l’idée qu’il puisse lui faire du mal sous ton identité... mieux valait ne pas y penser. tu ne voulais pas agir en manquant de discernent.
tu délaissas le chemin qui menait à la maison pour te perdre dans les ténèbres d’une ruelle, sans trop t’y enfoncer cependant. juste assez pour t’y dissimuler et pour y attendre, appuyée contre son mur, les bras croisés, le regard fixé sur un point invisible. tu ignoras edelweiss qui te demandait si c’était vraiment une bonne idée, de le confronter maintenant, et tu ignoras dissidia au regard amer alors qu’il se posait face à toi, guettant l’arrivée d’atticus à ta place. quelques instants passèrent dans un silence absolu, et quand tu étais certaine qu’il était à portée de voix, tu demandas : à quoi tu joues, atticus ? tu ne le regardais pas. poser les yeux sur tes échecs t’agaçait. et ta voix, ta voix décima, elle était calme et plate, elle aurait dû ne rien trahir, mais on y sentait le chagrin qui maudissait votre passé commun.
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et il avoue là où tu aurais préféré qu’il nie. et ton regard ne change pas. tes yeux restent fixes, avec cette lueur éteinte dans le fond de ta pupille : il n’y a que tes dents qui se serrent. la faute à ces mots amers et froids, qui sonnent si virulents à tes oreilles, si provocateurs. entre vous, il n’y aurait dû avoir que de la familiarité, la plus simple des affections. mais le monde vous avait cassé en deux, et vous l’aviez laissé faire.
tu évades sa question, tu l’ignores. rien ne te trahit, toi et ta colère facile, cordiale mais à peine contenue - sinon ta poigne qui se resserre par tes bras croisés. nous aimerions te demander pourquoi. une question rhétorique et plate, avec ces relents de mensonge qui maudissaient vos interactions. mais je crois déjà le deviner. le temps d’un instant, tes yeux quittent le vide pour se poser sur lui. puis à nouveau ils fixent le mur, comme si leur mouvement n’était qu’un mirage, un jeu d'ombres. comme si atticus brûlait d’un feu trop ardent, aussi aveuglant que le soleil, que le regarder trop longtemps laissait une cicatrice.
quelle ironie alors, car il ne restait rien de lui, sinon de la glace.
nous ne te pensions pas si perfide. pas comme tu l’étais. dans tes souvenirs enjolivés par le chagrin, la nostalgie de temps plus doux, atticus était le meilleur d’entre vous. tu aimais ulrik, tu louais sa justesse et sa justice que prouvait son surnom. et vox, à l’adresse et au charme que tu enviais. mais c’était la pureté d’atticus dont tu te souvenais avec le plus de vivacité, toute sa maudite innocence. on pouvait guider la justesse et la justice. travailler l’adresse et le charme. mais la pureté et l’innocence n’était que salies : il n'existait nulle autre verbe pour elles. nous serions-nous trompés ?
et comme un miroir, dissidia se crispait lui-aussi, te jetant un regard lourd de sens, un regard qui te pesait. un regard qui disait : ne me mêles pas à ça. tu levais les yeux au ciel de sa sensibilité, de son odieux favoritisme. mais tu comprenais son affection pour atticus, et pourquoi il le soutenait ainsi face à toi, toi avec qui il était toujours d’accord. il voyait en lui le problème et la solution. il pensait qu’un peu d’indulgence suffirait à effacer l'ineffaçable : pas le sang - car vous n’aviez pas saigné. seulement pleuré la disparition de votre troisième ami. un mal qui naissait de l’absence et du vide, le plus terrible de tous car on ne saurait le montrer du doigt.
mais atticus cherchait un coupable. il tenait entre ses doigts un blâme, un blâme trop gros pour que ne le remplace le pardon.
tu es naïf si tu penses que mon apparence suffira à t’obtenir des réponses. et sois naïf atticus, par pitié.
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non. tes mots sont abrupts : ils marquent la fin d’un silence qui s’étalait en réflexions. un silence calme et réfléchie, absolu. un silence froid alors qu’atticus brûlait. et durant ce vide, cette absence, tes yeux avaient quitté ce point pour se poser sur un autre invisible : dissidia. dissidia au regard dur, et pourtant suppliant. ce n’est pas sa propre absolution qu’il te demandait sans une syllabe, mais celle de ton ami - et oserais-tu seulement l’appeler ainsi ? les choses avaient bien changé.
et c’est pour cette raison que tu ne lui accorderais rien.
tu ne comprends pas, parce que tu ne veux pas comprendre. tes paupières tombent, et ton fantôme y lit une sorte d’excuses. avec celles-ci, tu étais si maladroite - trop fière, trop effrayée par l'idée d'une erreur. la phobie d’avoir tort. d’être fautive. alors on lisait ta culpabilité dans tes gestes plutôt que dans tes mots. dans des regards trop longs et des touchers trop tendres. mon apparence ne t’obtiendra rien, parce que tu veux des réponses qu’ulrik ne peut pas te donner. et d’un geste affable, presque langoureux, tu délaisses ton appui pour t’approcher d’atticus. pas parce qu’il est coupable, et tes yeux s’ouvrent, pour dévoiler leur rouge incandescent et profond, mais pas encore tout à fait enragé. mais parce qu’il les cherche aussi.
et ton cœur se serre de faire face à lui. finis sont vos jeux d’ombres et d’esquives, vos filatures. vous voilà face à face.
te voilà dévastée.
ne m’insultes pas, décima. t’avait-il dit. mais fut une époque où la naïveté était à chérir plutôt qu’à critiquer, et tu en cherchais des fragments sur ses traits et tu n’y trouvais rien. mes yeux ne se sont jamais fermés, atticus. c’est toi qui te les couvre comme un enfant. et tu t’approchas d’un pas. tu n’es pas naïf ? alors soit. prouves-le donc. un autre. arrête de courir après une justice que le monde ne peut pas t’offrir. parce qu’il était cruel, parce qu’il était incomplet. parce qu’il vous avait arraché à votre passé et qu’il vous avait jeté dans l’enclave.
la perfidie. et ton regard s’obscurcit alors que tu crachais son nom : perfidie. un mot aussi laid que ceux qui en étaient doté. c’est quand on la pense synonyme de logique qu’on commet l’irréparable.
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qu’il enrage : pourtant tu restais contenue. ta colère n’était pas comme la sienne. en apparence, elle était graduelle et lente, elle était faite d’offenses et d’injures qui s’assemblaient, glissaient les unes sur les autres. et avec elles s’amenuisait ton sang froid, jusqu’à ce que tu éclates. mais la vérité, c’était que tu vivais avec elle. la colère, contre toi, contre les autres, contre le monde entier. contre les miroirs qui te renvoyaient tes yeux rouges - maudite couleur. la couleur du sang que tu avais saigné au nom d’un remède et la couleur du sang que t’avait volé le monde sans rien te donner en retour. parce que le monde se moquait des sacrifices alors que c’était la seule chose que tu savais faire : donner de toi-même et prétendre que tout allait bien.
tu étais décimal. tu étais un fragment. et tu te diviserais encore.
la limite, ça n’a jamais été ulrik. la limite, elle n’est pas tangible. elle n’est pas objet ni personne. elle est ta propre vie. au delà de cela : elle est ta propre mort. ta vie, tu pouvais la donner : tu rejoindrais tes fantômes et alors tu veillerais sur eux, ulrik, vox, pendant une éternité, et tu trouverais le moyen de leur donner encore, jusqu’à ce que l’éternité ne suffise plus, et qu’au delà d’un souvenir, tu ne sois plus rien, pas même une poussière d’étoile.
tu ferais même cela pour atticus. cela, et bien plus encore. parce que pour lui, tu avais plus de peine que de rage, plus de culpabilité, de regrets, de non-dits. de je suis désolée. de j’aurais dû faire mieux. de j’avais peur, de j’ai cru que je t’avais perdu et ça me terrifiait. qui aurait complimenté tes yeux alors ? qui aurait-vu au delà de leur teinte prédatrice ? qui t’aurait dit que les siens pouvaient prendre cette couleur aussi, et qui ce serait attiré le plus doux de tes regards à vouloir t’arracher de ta solitude ?
qu’en restait-il maintenant, de cette douceur ? elle était invisible, elle existait dans le vide. c’était en son nom que tu retenais tes coups, en son nom que tu ne traitais pas atticus comme la menace qu’il était. c’était elle qui plaçait cette lueur d’espoir dans les yeux de dissidia, et qui plantait sur le visage d’edelweiss une sorte de foi muette. ils ne savaient détourner les yeux, suspendus à tes lèvres. c’est ironique. et tu reculas doucement, fuyant à nouveau son regard. nous voyons des fantômes, mais c’est toi qui gâche ta vie à les poursuivre,
dissidia s’approcha sans que tu ne devines son attention. tout n’était toujours que questions entre vous. sans voir que tu te laisses tuer deux fois. car atticus, le meilleur d’entre vous, s’était fait assassiné. dorénavant tout était une question de moins pire. et il te disait n’interfères pas, et tu retenais un sourire mauvais devant un ordre si clair. peut être était-ce une menace, ou un avertissement. une dernière chance avant qu’à ton tour, tu ne deviennes une victime de sa vengeance aveugle.
décima. c’est ainsi que t’interpelle le plus fidèle de tes spectres. à ton regard inquisiteur, il se contente de secouer le tête, parce qu’il sait ce qui vient ensuite, et il veut que tu y penses. bientôt, edelweiss le rejoint, avec la même demande, suppliant ta réflexion. ce qu’il serait facile de rire de son avertissement, de lui cracher dessus alors qu’il avouait manigancer quelque chose. c’était presque de la trahison. c’était assez pour le jeter face au jugement d’asvos.
mais tes spectres avaient un don pour rediriger ton regard, te montrer les possibilités. ce que tu les détestais. ce que tu les adorais.
vous êtes sots tous les deux. des reproches teintés de gratitude alors que tu les regardais l’un après l’autre. leur intervention te sortit de tes pensées à chemin unique : un non simple et définitif. il suffisait qu’ils montrent du doigt une autre option pour que tu la considères. complètement inconscients. de vrais idéalistes.on a besoin de gens comme vous. et tu te massas les tempes alors que tes pensées ne tournaient qu’autour de ce problème, celui de leur proposition silencieuse. vous mettez en danger tout ce pour quoi nous avons survécu. et ils te fixaient avec ce regard, cet optimisme triomphant parce que tu ployais sous le poids de leurs suggestions. c’était la pire des vos idées, la plus dangereuse.
et pourtant.
edelweiss ajouta : pour réparer nos erreurs. mais dans le fond, ils étaient innocents - quelle responsabilités s’hasardait donc à porter un mort ? le plus grand crime qu’il pouvait commettre, c’était de ne pas te convaincre. alors c’est dissidia qui enfonça le dernier clou à ton cercueil, avec une phrase si simple, mais qui fit trembler jusqu’à la plus solide de tes fondations. tu doutes, n’est-ce pas ? peut être parce qu’il était ta moitié : il te mettait face à tes propres vérités avec chaque syllabes.
et finalement, tu détournais ton regard du duo qui t’accompagnaient pour le fixer sur le visage d’atticus. par le crépuscule, tes yeux brillaient d’un rouge pétillant. oh, mais nous allons intervenir, atticus.
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mais moi, je ne suis jamais mort, il t’assure, il te défie. d’une certaine façon, tu penses avec mélancolie. et ton regard divague vers dissidia et edelweiss. tu avais la certitude qu’ils prétendraient la même chose si tu les questionnais, et à juste titre : même passés de l’autre côté, ils orientaient tes actions, ils changeait le monde à leur manière, d’une façon qu’ils ne maîtrisaient pas de leurs vivants. la seule chose qu’ils leur restaient à perdre, dorénavant, c’était toi.
et parfois, tu te demandais si ils n’en avaient pas fait leur mission.
mais atticus - celui que tu reconnaissais comme tel, plutôt que ce garçon amer et froid, dur avec soi même, dur avec les autres, était bel et bien mort. par votre faute peut-être, même si tu ne l’avouerais pas, et par la sienne aussi, parce qu’il s’était laissé tomber. et quand tu tendais la main pour le rattraper, il n’y avait que du vide et de la mauvaise volonté. et alors tu détournais le regard vers tes fantômes, et tu te disais que c’était peut être d’eux dont il avait besoin : d’autres comme lui, figé dans un état paradoxal de vie et de mort, d’ombre et de lumière.
parce que tu l’avais vu lors des duels, tu l’avais regardé. edelweiss l’avait même suivi jusque sur le ring, se tenant à ses côtés sans qu’il ne le sache, l’encourageant sans qu’il ne l’entende. si tu n’avais pas dit un mot en sa faveur, le plus doux de tes fantômes avait usé ses poumons pour combler ton silence. et elle t’avait regardé alors qu’ange avait pris atticus dans ses bras, avec ses yeux qui disaient : tu vois, il n’est pas si méchant.
mais le fait était qu’il menaçait ton chef et qu’il menaçait ton clan. et cela, tu n’appréciais pas du tout. mais il restait d’asvos : si ulrik ne t’avait pas encore ordonné de le confronter et de le dissuader à ta manière, tu étais certaine qu’il existait une raison. une raison obscure et naïve peut être, comme celle qui motivait tes fantômes, mais une raison malgré tout. et si tu prenais ton rôle de garde du corps très au sérieux, et que tu étais plus active que d’autre dans celui-ci, tu ne voulais pas t’abattre sans un ordre de ton si estimé supérieur.
mais il y avait une différence entre ne rien faire et faire... ça. pour être tout à fait honnête, tu ne savais décrire tes actes avec justesse. c’était un prix à payer pour la nécromancienne que tu étais, incapable d’omettre les avis de ceux derrière toi. les vivants ne voyaient que toi : mais la vérité c’était qu’il y avait le travail de quatre autres personnes très audacieuses en plus du tien. de personnes ennuyées par la mort. de personnes essoufflées par la vie, prête à se venger d’elle. tu pensais à edelweiss, jetée à tes côtés par la faute d’une lame. d’une lame, et des veines qu’elle avait tranché de sa propre main.
elle avait souhaité quitter ce monde, et pourtant elle était toujours là. tu blâmais et remerciais son indéfectible optimiste, sa bienveillance qui en demandait tellement, et tu soupçonnais qu’elle attendait une preuve pour partir en paix - qu’il y avait autre chose dans l’enclave que la maladie et la trahison. puis tu fixais atticus, et tu te demandais si les deux animaux blessés que vous étiez seraient capables de le lui montrer.
ce soir, nous essayons de prouver beaucoup de choses. un regard en coin à edelweiss. l’innocence d’ulrik en faisait partie, de ces choses. mais il y avait cette volonté en toi, cette lumière vaine et tenue, de laisser une chance à atticus. le mystère de sa disparition sur lequel tu t’étais échouée mille fois, peut-être serait-il capable de le résoudre. peut-être que lui seul pouvait poser les bonnes questions, et obtenir les bonnes réponses, car il était l’unique témoin véritable de cette affaire. il manquait de pragmatisme, mais tu manquais de discernement.
tu ne démordras jamais de ton idée, n’est-ce pas ? alors soit. si cela te permet d’obtenir les réponses que tu cherches, nous ne t’en empêcherons pas. mais nous refusons de voir notre personne utilisée et de ne rien faire, d’attendre que les choses se fassent pour nous. peut-être était-ce contraire à la philosophie d’asvos, à sa si révérée et si détestée neutralité. tu t’en moquais. alors nous participerons. nous aiderons. tu peux copier mon apparence atticus, mais sans notre soutien, ce sera le seule chose que tu auras de nous. et tu ne tromperas personne avec seulement mes traits. ulrik nous connaît par cœur - il nous voit tous les jours. il remarquera le moindre écart de comportement. un pas. un comportement que tu ne sais pas imiter au delà de la caricature. car que savait-il réellement ? que connaissait-il de toi après toutes ces années ?
nous t’offrons une chance de poser tes questions sans éveiller les soupçons. de clore cette affaire sans incident. d’obtenir ses réponses sans risquer que l'on découvre ses manigances. mais en échange, je veux quelque chose. je veux un serment inviolable avec vox comme témoin. un serment qui m'interdit de te trahir, et qui t’oblige à agir avec bonne volonté. les "secrets" d'ulrik, tu pourras chercher à les découvrir, mais sans volontairement me compromettre en utilisant mon apparence, et sans faire quoi que ce soit qui pourrait le mettre en danger.
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tu t’attendais à ce qu’atticus soit le plus agité, une fois l’exposition de ton plan terminé. tu t’attendais à ce qu’il t’interrompe, et qu’il refuse avant même d’entendre la fin de ta proposition, qu’il te crache dessus et qu’il parte. c’était un pari que tu t’étais risquée à prendre, envers et contre tout - la soirée n’était faite que de tir à l’aveugle, dans la nuit, la chasse à des opportunités invisibles. et pour t’en saisir, tu étais prête à tomber, tu étais prête à saigner.
quelle surprise alors, que dissidia soit celui qui réfute l’idée. lorsque la bombe avait été lâchée - serment inviolable, un mot presque interdit, un défi lancé l’un à l’autre avec vos vies comme monnaie -, il était resté bouche bée, attendant de toi un rire sardonique, priant que tout ceci ne soit qu’une blague très élaborée. mais la chute ne vint jamais.
décima, avait-il murmuré, incrédule. tu n’es pas sérieuse ?
mais tu l’étais. tu l’étais alors que tu fixais le visage d’atticus à la recherche du moindre indice quant à sa réponse à venir, que tu te tenais droite, que tu tenais digne. tu ne détournerais pas le regard, pas cette fois. et dissidia avait continué : décima c’est complètement absurde. tu pourrais mourir. il s’écrasait sur l’une de tes habitudes qui le mettait absolument hors de lui : cette tendance à toujours te mettre en danger, à échanger ta vie pour les choses les plus insignifiantes.
comme ulrik.
à force, il en était venu à le détester, même si il taisait sa haine pour ne pas s'attirer tes foudres. même encore maintenant, c’était pour lui que tu prenais tous ses risques, pour sa maudite sécurité - même en sachant pertinemment que tu ne recevrais jamais rien en retour. il t’avait confronté un jour sur ce sujet, plein d’amertume. face à ses reproches, tu t’étais contentée d’hausser les épaules et d’avouer que la sécurité d’ulrik était une récompense en soi, que tu ne demandais pas plus.
il trouvait cela injuste et mensonger, mais n’avait rien dit.
dissidia a raison, c’est beaucoup trop risqué - ainsi s’était greffée edelweiss à la conversation, morte d’inquiétude. puis après un silence, atticus n’acceptera pas de toute façon.
têtue que tu étais, tu ne les écoutais pas. tu ne dédiais tes oreilles qu’au garçon face à toi, alors qu’il murmurait l’évidence : qu’il gagnait plus que toi dans votre échange. tu haussas les épaules avec un sourire mélancolique - tu n’en étais pas si sûre. la sécurité d’ulrik était la plus haute de tes priorités, et elle était désormais assurée. dès lors, que demander de plus ? si tout se passait bien, atticus aurait ses réponses, et là aussi, en quoi était-ce d’un quelconque danger pour toi ? tu voulais savoir, toi aussi. tu voulais enterrer ce chapitre de vos vies une bonne fois pour toute, et c’était l’occasion.
et pourtant, tes certitudes sont mises à mal ce soir, ton monde s’écroule. pas à cause d’un rejet ou d’un reproche, mais à cause d’une évidence que tu n’as jamais considéré, des mots qu’il te fallait entendre pour croire.
Je n'ai jamais eu l'intention de lui faire du mal.
parce que tu ne le pensais pas, parce que tu le réalises enfin. pour la première fois depuis longtemps, décima, tu es bouche bée. abandonnée au dépourvu le plus total. dans tes yeux rouges, il ne restait rien sinon une surprise évidente et impossible à dissimuler. et pourtant atticus continue avec ses mots, à t’enfoncer encore dans toute votre réalité, à arracher ce bandeau noir et blanc posé sur tes yeux. avec toi, tout était une question d’ami et d’ennemi, de contre ou avec soi. tu réalises enfin qu’atticus n’est ni l’un ni l’autre, et ça te noie.
alors quand atticus accepte et que tes spectres s’agitent autour de toi, eux aussi complètement abasourdis de la situation, c’est à peine si tu les entends. tu fixes le monde derrière ton mur de verre, et tu en remarques enfin les fissures. peut être est-ce par la faute de la fatigue, ou de la nostalgie qui te submerge quand tu croises le regard d’atticus ; ou peut-être faut-il blâmer l’ascenseur émotionnel qu’est votre confrontation, ou la dure réalisation que tu n’as jamais su voir le monde comme il était ; le fait est que tu te sens prête à pleurer.
mais parce que tu es décima, tu te reprends vite. bientôt, les voix affolées de tes spectres crissent à tes oreilles et tu sors de tes illusions. c’est une terrible idée, c’est vraiment une terrible idée, te répète edelweiss, et tu te contentes d’un sourire mystérieux. n’étais-tu pas imprévisible ? il fallait le prouver désormais.
nous nous souvenons être contre l’idée, nous aussi... c’était tenter le diable, comme le disait si bien atticus. et le diable s’était abattu, sans miséricorde. parfois nous nous demandons si...les choses auraient été différentes. tu n’en doutais pas un instant.
et tu réalisais que différent et meilleur n’étaient pas synonymes.
enfin. tu te recomposes, tu ramasses tes morceaux, tu tais tes sanglots muets. à vrai dire, il nous faut encore convaincre vox. nous doutons que cela soit simple, pour les raisons que tu viens de citer. mais tu avais ton lot d’arguments. tu y pensais alors que tu parlais, les mains croisées face à toi. quant tout était dit, quand tout était fait - vous restiez tout de même une famille, éternellement inquiets pour les autres. mais contrairement à tes spectres, la menace du serment inviolable ne te faisait ni chaud ni froid. qu’avais-tu à craindre d’une promesse que tu ne briserais pas ? mais pas impossible. parce que pour vous, rien ne l’était. vous incarniez l’impossible : toi qui voyait par delà la mort, et lui qui en revenait. peut-être veux-tu te joindre aux négociations ?