Tes yeux se perdent Félice, tu l'admires ce ciel rempli d'étoiles. Tu essais de les compter mais tu perds trop facilement le compte. Non, au final tes yeux se baladent de lumières en lumières, parcourant cette infinité qui vit au dessus de vous. C'est une chose que tu aimes faire depuis que tu es ici, depuis ces trois années enfermée dans ce monde à l'écart. Tu es assise sur un tronc taillé qui sert d'endroit pour s'asseoir, près du camp. Un petit feu est allumé pour te réchauffer, tu as une tasse de chocolat chaud entre les mains et finalement tu as un petit sourire en prenant une gorgée de ta boisson.
Félice, tu as l'impression de beaucoup aimer les étoiles. Tu n'as pas fait d'astronomie alors tu ne connais que les constellations de bases comme la Grande Ours. Enfin c'est la seule dont tu te souviens. Une légère brise te souffle sur le visage et une moue se dessine sur ton faciès. Il fait frais d'un coup, tu ne sais pas quelle heure il est et tu poses ton mug pour t'étirer. Il y a moins de bruit et d'éclats de voix, il n'y a plus de vie mais seulement de la fatigue. Tu te tournes à demi et tu vois certains qui partent dans leur tente, d'autres qui restent aussi pensif que tu ne peux l'être.
Un faible sourire se dessine sur tes lèvres, tu comprends que les plus « jeunes » puissent être ainsi, toi aussi tu l'as été. Et tu l'es toujours. Tu peux lire dans leurs pensées mais tu ne peux pas voir les souvenirs qu'ils ont pu avoir. Ce manque est toujours présent, il te parcours l'échine comme un venin qui fait hurler ta curiosité, qui fait plier ta raison au point que parfois tu puisses t'énerver un peu trop vite, comme une tempête qu'on aurait pas prévue. Mais tu sais que dans tes moments de faiblesses, comme tu as pu en avoir tout à l'heure, tu attends le soir. Tu patientes avec ta boisson chaude et tu contemples la nuit dans toute sa splendeur.
Une odeur étrange vient pourtant perturber ton instant de tranquillité et tes sourcils se froncent d'un coup. Tu tournes vivement la tête, les yeux plissés. Fumer c'est mal ! Tu te redresses trop rapidement et tu te diriges alors vers un jeune homme que tu as toi même amenée au camp et tu lui fais face. Cassidy. Drôle de nom pour un garçon. Tu as toujours cette pensée quand tu le vois. Cassidy ? Tu ne dors pas encore ? Il est tard pourtant non ? Tu arques un sourcil sans détacher tes yeux des siens. Il est plus grand et son air semble toujours fermé. Pourtant, pour les fois où tu as pu le voir sourire, tu te disais qu'il n'était pas mal.
Tu sais plus pourquoi t’étais sorti ce soir là mais t’avais besoin de prendre l’air. Surement parce que tu dormais peu la nuit mais beaucoup la journée en secret. Des longues siestes dans les champs alors que tu es censé surveiller les alentours. Etre éclaireur quoi.
Les étoiles c’était un spectacle merveilleux, que tu ne voulais surtout pas rater. Le cosmos infini qui se dévoilait tous les soirs à la tombée de la nuit, comment le monde entier pouvait s’endormir à l’arrivée de cette beauté, rêver de projets inutiles et stériles qui se réaliseraient jamais.
Cassidy t’étais du genre rêveur fumeur, dans les paradis artificiels qui te permettait de rester en vie. Et même si faire semblant était ton quotidien, tu sentais que tu pouvais être toi-même sur le territoire des lions. Mentir semblait aussi facile que de respirer, parce que tes mensonges sonnaient étrangement comme une vérité. Ta vérité.
A se demander pourquoi tu t’es pas retrouvé là-bas pour de vrai. Mais tu devais obéir à Aquila, à Effie qui comptait sur toi, et à tout ceux qui avaient besoin de ces informations cruciales. Mais ça te faisait mal. De trahir tout ces gens qui travaillaient si durs. ça te faisait mal à moitié en réalité. Egoiste et egocentré, c’était peut-être la peur d’être découvert et encore rejeté.
On comptait sur toi. Une voix familière t’extirpe de tes pensées et tu tournes la tête, la frimousse inexpressive, cherchant instinctivement à savoir qui c’était pour choisir quelle tête tu ferais. C’était Felice. Recruteuse féline.
— « Non, je dors pas. Et toi ? Tu devrais pas déjà dormir à cette heure là ? »
C’est pas que t’aimerais éviter la discut’ mais un peu quand même. C’est pas le moment de te faire griller, surtout que ces dons en légilimencie t’incitait surtout à l’éviter. Ce que tu avais fait depuis que tu étais arrivé sur ce camp et que tu l’avais appris d’ailleurs.
— « C’est de l’heure de te coucher Felice là. Va dormir, sinon demain tu ressembleras à rien. Tu veux pas des jolies cernes sous tes jolies yeux au réveil ? »
Tu ne lui avais pas trop parlé depuis qu'il était arrivé quand tu y repenses. Tu ne le voyais pas non plus très souvent car à cause de ton travail il était souvent hors du camp. Tu hausses les épaules face à sa première remarque, nonchalante. Pourtant il a l'air d'insister pour que tu partes dormir, rajoutant même des faux compliments dans sa phrase et argumentant sur des possibles cernes. Eh bien, tu veux que je m'en ailles à ce point ? Je vais être blessée. Tu fais la moue en plissant les yeux, l'air faussement froissée.
Tu as pourtant un sourire quelques instants après en le regardant, amusée. Cassidy c'est quelqu'un qui te donne l'impression de cacher pleins de choses. Et tu sais aussi qu'il ne parlera pas du tout. Non, c'est un peu comme un lion qu'il faut apprivoiser. Il faut y aller doucement, être patiente et finalement gagner sa confiance. Et la première chose à faire, c'est lui montrer que toi tu la lui accordais. Je regardais les étoiles et je ne suis pas si fatiguée que ça. Il me semble que tu faisais la même chose avant que je ne vienne, non ? Tu avais la tête en l'air. Un fin sourire se dessine sur tes lèvres alors que tu le fixes, pensive.
Ce garçon attise ta curiosité. Tu la sens brûler de plus en plus alors que les questions naissent sur tes lèvres sans pour autant se prononcer. Est-ce qu'il aimait être ici ? Est-ce qu'il voulait partir ? Est-ce qu'il se souvenait de sa vie d'avant ? Est-ce que Cassidy est son vrai nom ? Est-ce qu'il... Tu t'interromps dans tes pensées, les sourcils froncés. Tu vas un peu trop loin dans ton interrogatoire Félice. Pourtant, tu reprends, l'air de rien. On a pas eu l'occasion de se parler depuis que tu es là, ça tombe bien finalement ! Tu recules un peu en lui faisant mine de te suivre, t'asseyant ensuite sur le tronc qui t'a servi de siège près du feu qui commençait à s'éteindre. Tu espérais juste qu'il n'allait pas t'envoyer chier. Tu t'y connais en astronomie au fait ? Histoire d'engager la conversation. Il regardait les étoiles après tout, peut-être qu'il a de meilleures connaissances que toi dans le domaine.
Elle était fun quand même Felice. Sa jolie frimousse faussement blessée te ferait presque fondre. Mais bon, t’es pas là dans l’Enclave pour séduire les filles, tomber amoureux et tout perdre quand tu sortiras d’ici. Car tu sais au fond de toi que tu feras tout pour passer de l’autre côté, retrouver ton passé oublié. Si certains vivent avec cette nouvelle vie, toi tu te sens à l’étroit dans ce corps.
Tu te sens vide, volé de ton passé, et énervé. révolté.
Mais les gens sont passifs, ils ont créé leurs petits royaumes, leurs clans. Et personnes se bouge à chercher la vérité. Les habitants se satisfont de cette fausse vie. Tout était faux, tu en étais persuadé, au point parfois de te faire peur tout seul en imaginant que les autres aussi étaient factices. Etre seul dans un monde si dense et complexe s’apparente à la dystopie.
Felice sourit, elle s’assoit à côté de toi sans te demander ton avis. Tu suis ses mouvements du coin de l’oeil sans l’en empêcher. Apparemment, elle trouvait ça dommage que vous n’eusses pas l’occasion de parler et fais la moue, pas convaincu que ça soit une si bonne idée que ça de se rapprocher.
— « Ouai, bah, faut dire que je suis pas mal occupé. » à rien faire. « Du coup.. on a pas vraiment l’occasion de se croiser du coup. » et heureusement.
Elle te demande si tu t’y connais en étoiles, tu réponds sans quitter le ciel du regard.
Non, vous ne vous étiez pas beaucoup vu, voir quasiment jamais depuis qu'il avait son poste d'éclaireur. Il te le fait lui même remarqué avant finalement de répondre ta question sans rien ajouter. Tu en profites alors pour l'observer en silence en train de regarder le ciel. Il semble ailleurs, comme dans un autre univers. Comme si tout le reste n'importait plus. Et pourtant il a l'air moins renfermé qu'habituellement. Il aurait presque une expression adoucie sur le visage. Et toi Félice, tu le regardes, la tête sur ta main. Tu as l'air de beaucoup aimer les regarder en tout cas. On aurait presque dit que les étoiles se reflétaient dans ses yeux.
Tu te redresses avant de faire la même chose. Tu n'y connais rien en astronomie Félice et pourtant, ça te calme de les voir ainsi, briller dans le ciel. Comme si leurs éclats apaisaient tous tes mœurs. Peut-être que le fait qu'il y a de la lumière même dans les nuits les plus sombres te donnait du courage. Ou bien la raison était ailleurs. Tiens, est-ce que tu en a une préférée ? Peut-être que oui ? Peut-être que non ? Personnellement je ne m'y connais pas mais... Tu lèves le doigt vers le ciel, désignant alors toutes ces étoiles. Enfin, une lignée en particulière. Il y a cette courbe d'étoile dans le ciel que j'aime bien regarder. Elle est à côté d'un cerf volant, tu la vois ? Elle forme un C qui brille tout le temps ! Tu trouves ça beau de les voir ainsi, tu te demandes souvent si elles sont si proches. Mais ça, tu ne le sauras jamais.
Elle décide de quand même venir parler d’étoiles. Tu ne lui accordes pas de regard mais t’as l’oreille tendue pour écouter ce qu’elle a à dire. C’est étrange comment l’amnésie fonctionnait. Parfois, on avait des flashs, des bribes de perception. Et les étoiles, ça te faisait le même effet. Quand tu les regardais, t’avais cette étrange impression de les avoir déjà vu, déjà aimé, déjà étudié. Mais quand, mais ou ?
Ne pas savoir est une torture. Et ça te terrifie Cassidy. Ils disent que l’Enclave existe depuis prêt de huit ans. Mais aucun de vous n’a huit ans, vous n’êtes pas né ici. Peut-être de l’autre côté du mur. Peut-être dans une autre dimension.
Elle coupe le fil de tes pensées et te demande si tu as des étoiles préférées. Tu trouves ça bizarre comme question. Typiquement féminin, de classer des choses, d’avoir des « favoris ». Mais toi, tu t’attardais pas à ce genre de futilité niaises et stériles. C’est juste l’univers qui te fascine.
— « Un C à côté d’un cerf-volant.. »
Tu te demandes de quoi elle parle, en tout cas, toi, t’en a aucune idée. Le cerf-volant, c’est surement la petite ourse, mais tu ne vois pas l’arc dont elle parle. Mais quand t’y réfléchi bien, t’as un tatouage sur le bras, qui représente une constellation que t’aime bien.
— « Si je devais en choisir une, ça serait le triangle du printemps. Je pense pas qu’on puisse les voir d’ici, car je sais pas ou on se trouve. Mais je me souviens juste qu’à un certain endroits, certaines nuits de printemps, on pouvait voir trois étoiles former un triangle. Regulus, Spica et Arcturus. »
Félice, tu perds un peu plus espoir chaque jour qui passe. L'espoir de le revoir. Tu te souviens que tu as voulue être recruteuse pour avoir une chance de le retrouver si jamais il arrivait ici, tu te disais que tu allais le reconnaître dès que tu le verrais comme dans les films mais non. Ta mémoire manquante était plus puissante que le reste, elle te rappelait douloureusement que tu étais ici mais sans lui. Comme un coup de marteau qui frappe, elle enfonce ton rêve dans le mur de la désillusion jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un point qui fait tâche. Présent, mais absurde.
Et pourtant, quand il énonce une constellation qu'il aime bien, ton cœur loupe un battement. Arc... Arcturus ? Surprise, piquée au vif même, tu te tournes pour le fixer, les yeux grands ouverts. C'est la première fois en trois ans que tu entends ce nom. Première fois en trois ans que tu te sens aussi étrange. Première fois en trois ans que tu prononces ce mot. Et pourtant, il désigne aussi une étoile. Arcturus est... une étoile... Lentement, trop lentement pour que ça ne soit pas étrange, tu lèves les yeux vers le ciel pour observer les mille lumières qu'il arbore.
Tu sembles ailleurs Félice, ton humeur a changée pour être rêveuse. Pensive. Triste. Savoir que c'est aussi une étoile te fait doucement rire, peut-être était-ce pour ça que tu regardais le ciel et que cela t'apaisait ? Pourtant, tu n'avais pas connaissance de cette information avant cette nuit. Tu le cherches des yeux, cet astre qui pourrait rendre tes nuits plus belles, qui pourrait garder cet espoir intact. Est-ce que... Tu te relèves pour te mettre face à lui. Tu te sens apaisée Alice, ça t'a fait l'effet d'une chaleur qui réchauffe le cœur. Qui ravit ton âme. Est-ce que tu pourrais me montrer où est cette étoile ? Tu ne peux t'empêcher de sourire, cette joie monte doucement pour simplement te rendre heureuse. Tu n'as rien appris de bien spécial pourtant, mais ça a suffit à ton bonheur. S'il te plaît ? Tu en oublierais presque la politesse.
Felice semblait avoir changé de comportement. Elle n’était plus aussi sereine, confiante, sûre d’elle comme elle aimait pourtant te le montrer si souvent que possible. Tes yeux inexpressifs fixèrent les siens dépressifs. Quelque chose que tu avais dit, peut-être. Quelque chose que tu avais fait. Ou que tu n’avais pas fait.
C’était peut-être cette histoire d’étoiles qui l’avait chamboulé. Et mon dieu Cassidy, même si t’étais du genre à en avoir rien à faire des autres, tu pouvais pas empêcher ton coeur de bombarder ta poitrine, alors que tu ne fixes désormais que ses lèvres. Hypnotisantes et charmantes.
Elle bégaie un peu et t’as envie qu’elle arrête d’essayer. Elle te demande ou est cette étoile dont tu parles. Arcturus. Ce nom fait résonance dans ta tête, dans ton esprit. Tu sais que ce mot est important à tes yeux, mais comme tu avais beau chercher pourquoi et que rien ne te venait à l’esprit.. tu avais fini par en conclure qu’il valait mieux ne pas chercher.
— « Je t’ai dit, elles apparaissent surtout au printemps. Je pourrais pas te les montrer ce soir, je ne les vois pas. »
Il ne les voit pas. Ta mine s'attriste sans que tu ne puises réellement le contrôler, tu baisses le regards pour poser tes yeux ailleurs. Tu te sens déçue Félice, tu mourrais d'envie d'insister, de lui faire cracher tout ce qu'il savait sur cette étoile. Parce que ce nom est ta seule piste, la seule chose qui te maintient à ton passé inexistant. Ça te fait bouillonner de ne pas connaître tout ça, de ne pas avoir plus de souvenir sur lui. Sur ce Arcturus qui ne veut pas te lâcher la tête. Tu ramènes ton attention sur lui, prête à répondre à sa question quand tes prunelles s'attardent sur son sourire.
Félice Alice, tu n'en fais qu'à ta tête...
Elle résonne dans ta tête comme un glas qui sonne ta future perte. Tu mets une main sur ton visage alors que tu détournes ce dernier pour porter tes yeux ailleurs. Tu hallucinais Félice. Arcturus est... Qu'est-il Alice ? Tu n'en sais rien. Tu l'ignores. Mais ton cœur bat vite, tu te mords la lèvres, tu as les mains qui tremblent légèrement. Il n'est pas ordinaire. Non, ce Arcturus compte pour toi. Beaucoup trop. Et pendant une seconde, tu as crue voir son sourire à travers celui de Cassidy. Comme un calque qu'on poserait dessus. Et ça te trouble Alice. Parce que c'est la première fois que ça te fait un tel effet. Arcturus est mon souvenir. C'est une partie de moi. Oui, c'est ton passé. C'est celui dont Alice appartient.
Tu te tournes de nouveau pour le regarder, les pommettes rougies sous l'émotion. Et tu es le premier... Qui vient de dire son nom. Et je me sens stupide de ne pas avoir su que c'était une étoile. Ton air change, un sourire triste se dessine sur ta bouche et tu contemples de nouveau le ciel. S'il était vraiment important, je l'aurais sue non ? À moins que tu ne te sois trompée sur toute la ligne, qu'il ne soit pas aussi vital que tu ne le penses.
Tu ne comprends pas. De quoi pouvait-elle parler ? Serait-ce ici un indice à ta propre ancienne vie ? Non. Impossible. Les chances sont minimes. Voir même inexistantes. Si réellement vous aviez eu une ancienne vie, si seulement, il était improbable que vous vous connaissiez. A moins que ce stupide dieu vous ait choisi tous au même endroit et ait effacé vos souvenirs.
Non. Même ça, ça ne colle pas. Ton esprit bouillonne Cassidy, elle fait réveiller en toi tes doutes les plus enfouies. Tu n’aimes pas être pris au dépourvu. Alors tu lèves les mains d’un air de nonchalance, d’ignorance détachée.
— « Je ne peux pas vraiment t’aider sur ce coup là. J’suis désolé Felice. »
Elle semblait faire une fixette sur ce nom autant que toi tu bloquais sur tes souvenirs dissimulés. Et chez Felice, ils n’étaient que plus affolés. Des odeurs, des impressions, ça te donne mal à la tête et ça te rend confus.
— « Peut-être que… ce n’est rien du tout. Peut-être que c’est juste quelque chose que tu dois oublier. »
Tu te sens perdue Félice. Tu as l'impression qu'il y a autre chose qui vient éclairer ta mémoire de par cette information mais en même temps, tu sens qu'il y a autre chose. C'est une certitude. Mais quoi ? Ton cœur continue de battre la chamade, tu ne fais que fixer le ciel en écoutant la parole de Cassidy. Et tu ne sais pas pourquoi, tu ne sais pas ce que ta tête a comme problème mais tu sais qu'elle t'est familière. Cette note. Ce ton. Il a une voix qui lui ressemble, qui lui est presque similaire. Et ça te dépasse. La fatigue doit te jouer des tours, clairement. Le contraire m'aurait étonné Cassidy, mais tu m'as déjà beaucoup appris ce soir, plus que je n'ai pu en savoir en trois ans.
Ça te trouble, c'est indéniable. Tu le regardes quand il parle d'oublier et tu penches la tête avec un drôle de sourire. Oublier ? Je ne peux pas... Il est ancré dans ma tête. C'est un peu comme si on m'avait marquée ce souvenir avec un feutre indélébile. Et puis... Je ne peux pas oublier qui je suis. Car oui, égoïstement tu voulais conserver ce souvenir pour la simple raison qu'il contient ton identité. Et tu es certaine qu'il y a aussi des sentiments. Car si ton cœur réagissait aussi vivement à ce passage de ta vie... Désolée de t'ennuyer avec ça. Parler de mon souvenir est assez étrange après tout ce temps. Pourtant, une question te vient à l'esprit après tout ça. D'ailleurs, tu t'appelles réellement Cassidy ou bien est-ce un surnom ?
Elle a l’air vraiment d’y tenir. Comme une cicatrice qui a du mal à guérir. ça te fait de la peine et c’est bizarre pour toi de ressentir. Tu voudrais lui apporter les réponses qu’elle attend, mais elle est pas seule ici malheureusement. Toi aussi, on t’a volé, t’es dans l’attente constante de la vérité, dans la recherche ardente de sérénité. Mais les souvenirs ne peuvent pas être aussi prêts, ça serait trop facile, un piège sadique et machiavélique de la part d’un Dieu qui s’ennuyait.
Le fait de l’avoir un peu aidé tout de même, ça te conforte dans ta bonne action. Tu ne peux rien faire de plus Cassidy. Rien faire de plus.
— « Mais tu as oublié qui tu étais Felice. Qui tu étais. Mais tu n’as jamais oublié qui tu es maintenant. »
Tu fronces les sourcils et le moment de latence qu’instaure le silence te permet d’avancer ta main pour effleurer sa joue. Elle y tient à Arcturus. ça te rendrait presque jaloux parce que t’y tiens aussi. Il fait parti de qui tu étais. A comme Arcturus. Tu étais presque persuadé que tu aurais voulu t’appeler ainsi dans une ancienne vie. Ou peut-être est-ce encore une de ces illusions.
Tu éloignes ta main et tu retombes en arrière, la tête vers le ciel.
— « Tu m’ennuies pas, t’inquiète pas. »
Tu enfonces tes ongles dans la terre asséchée, étirant ton corps en réveillant tout ses muscles.
— « Cassidy c’est mon prénom. J’en suis sûr. Je m’en souviens. Je me souviens aussi que je le détestais et que j’aurai jamais voulu qu’on m’appelle comme ça. J’sais pas pourquoi du coup je l’ai gardé ici. Surtout que je le déteste toujours. »
Tu comprends son message. Qui tu étais, le passé. Tes souvenirs. Oui, tu as oubliée tout ça mais maintenant, c'est le présent qui compte. C'est l'instant qui passe, ce sont les secondes qui font que tu as une mémoire nouvelle avec des compagnons et des amis sur qui tu peux compter. Mais est-ce que toi tu en voulais de cette nouvelle vie ? Non. Et tu le sais pertinemment Félice. Tu t'y es fait parce que tu n'as pas le choix, tu vis ici et tu partages ton existence avec d'autres personnes qui eux aussi sont perdus. Tu traverses cette épreuve avec eux car il faut vous serrer les coudes pour sortir d'ici. Au final ce qui vous réunis les rouges, c'est votre désir ardent de partir. De retourner chez vous. Tu allais le lui dire, tu allais prendre la parole mais son geste te trouble une nouvelle fois Alice.
Il pose simplement sa main sur ta joue et tu rougis. Elle se superpose une nouvelle fois, telle une rémanence de ton souvenir qui s'incruste pour prendre sa place. Tu restes muette, tu le fixes droit dans les yeux sans oser parler. Pourquoi est-ce que ta tête te jouait de tel tour ? Pourquoi est-ce qu'elle s'amusait avec ton cœur et ta mémoire de cette façon ? Ton air est égaré et il se dégage, brisant cet instant que tu aurais voulue plus long. Il se laisse tomber en regardant le ciel et tu détournes le regard, les lèvres pincés. Tu n'aimes pas ça.
Non, tu n'aimes pas l'effet qu'il te fait. Tu essais de t'en convaincre comme tu peux.
Il parle de lui, de son prénom qu'il n'a pas choisi. Et pourtant qu'il a gardé. Parce qu'il s'en souvient peut-être ? C'est ton vrai nom. Tu ne veux peut-être pas l'oublier malgré tout. Alors que toi tu as pris un surnom à la place de ton vrai nom. Tu as un drôle d'air pour remplacer le trouble qui était présent et tu soupires avant de passer une main dans ta longue chevelure. Et pourtant il réussit à te déstabiliser une nouvelle fois de par son autre remarque. Il préfère Arcturus ? Ah bon ? Tu regardes le ciel comme lui, comme si les étoiles pouvaient apporter une approbation à ce qu'il venait de dire. Arcturus n'est pas un nom commun pourtant. Mais il doit avoir ses raisons d'aimer celui-là.
Cela ne doit pas être lié à toi, il n'y a aucune chance pour que ce soit le cas. Non, en trois ans que tu étais ici il n'y avait pas de raison que ta situation change. Ou qu'il soit la réponse à toutes tes questions. Pourquoi ne pas t'appeler comme ça alors si tu le préfères ? Tu poses de nouveau tes prunelles sur lui. Je suis sûre que ça t'irait bien, Arcturus. Faible sourire, rougeurs apparentes sur le visage, on peut dire que ça te fait tout drôle d'appeler quelqu'un comme ça. ... Tu seras un peu mon contraire en fait. Je connais mon vrai nom mais j'utilise un surnom ici. Tu n'en rajoute pas plus, les yeux nébuleux. Tu les détournes avant de t'asseoir de nouveau sur le tronc. Encore une chose que tu n'as pas dit à tout le monde.
Felice semble perturbée par cette révélation. Etrange d’ailleurs… que tu parles autant. Après tout, tu étais du camp adverse. Mais tu savais qu’il fallait que tu te mettes cette fille dans ta poche pour éviter d’attirer les soupçons. Surtout qu’elle use de légilimencie donc c’est pas vraiment le top pour toi… En fait c’est carrément l’inverse. Tu dois l’éviter. Mais comme elle te colle à la peau, faut bien être un minimum ouvert pour lui parler. La rassurer sur ces doutes. Tu t’en sortais comme un chef Cassidy. Bravo bravo. Mais la voilà qui plisse les yeux et se replonge dans ses pensées. Tu espères que c’est pas les tiennes. Qu’avais-tu bien pu dire pour la mettre dans un état de mutisme comme ça ?
Nonchalamment tu fixes alors les étoiles et te met à siffloter sans rien ajouter de plus. Elle te ramène à la réalité. Pourquoi Cassidy et pas Arcturus ? Une question que tu t’es toi même déjà posé.
— « Je ne sais pas. C’est peut-être bizarre mais Cassidy m’est revenu avant même Arcturus. J’avais le sentiment que je devais m’appeler comme ça dans ce monde. Mais peut-être que je m’appelais Arcturus dans mon ancienne vie. Avant l’Entrave. »
Tu fermes les yeux pour inspirer profondément, avant de souffler un coup et rouvrir un oeil seulement, la pupille se dilatant dans sa direction. Alors t’étais pas le seul à avoir des problèmes existentiels de prénoms ? Curieux maladif, tu ne peux pas t’empêcher de te vouloir savoir.
— « Et c’est quoi du coup ton vrai prénom ? Désolé, tu veux peut-être pas le dire. Mais moi j’ai été sincère. » Hm.. « Alors toi aussi tu devrais l’être. »
Avant l’Entrave. Tu t’es toujours imaginée ta vie avant d’être ici, tu essais de rêver de ce que tu faisais, quel métier tu exerçais, si tu avais un copain ou autre… Mais rien ne te semblait satisfaisant. Tu ne trouves pas de réponses, toi qui est si curieuse, toi qui veux tout savoir. Tu ne trouves que des questions en plus et ça te rends parfois triste de ne pas te souvenir. Peut-être qu’il y a des personnes ici que tu as déjà connue, peut-être même des proches mais tu n’en sauras jamais rien. Sauf si ta mémoire revient d’un coup. Mais c’est assez mal parti pour que ça arrive.
Alors tu le regardes quand il parle, quand il pense qu’il s’appelait Arcturus avant. Ça te perturbe encore plus Félice, tu sens que ton cœur manque un battement mais non, il y a peu de chance que ça soit la même personne. Ça ne peut pas être lui. Ou alors le sort est sacrément mesquin.
« - C’est vrai que tu as été sincère jusque-là, tu mérites peut-être que je te le dises après tout. »
Un sourire taquin, tu t’étires avant de regarder le ciel de nouveau. Avant de lui dévoiler une part de toi-même.
« - Mon seul souvenir me permet d’avoir mon nom et mon surnom. C’est quelqu’un qui me le dit, mais je ne le vois pas. Mais il m’appelle « Félice Alice. » Félice étant mon surnom et Alice mon prénom. Et moi je l’appelle… Arcturus. »
Un petit rire gêné, tu passes une main dans tes cheveux bicolores avant de hausser des épaules. Oui ça t’a troublée. Mais combien de chance il y a pour que Cassidy soit cette personne de ton souvenir ? Aucune. Elles sont tellement nulles que tu ne devrais même pas y penser.
« - C’est pour ça que j’ai été surprise… Je ne sais pas qui est cet homme, juste son nom. Et je ne l’ai jamais entendue jusqu’à maintenant. »
Dire qu’il s’est appelé comme dans son ancienne vie serait un signe, mais c’est trop beau pour être vrai. Et puis, qui dit que lui te connais ? Qui dit que lui se souviens de toi ? Tu n’en sais rien, et tu ne pourrais jamais le savoir même en fouillant dans sa tête. Parce qu’il n’a pas de souvenir en dehors de son arrivée ici. Et que quelque part, vos passés sont perdus pour ne plus être retrouvés.
Le fait de ne pas te souvenir d’avant l’Entrave était une torture inimaginable pour les autres. Tu étais surement l’un des plus affectés, l’un des plus énervés. Car tu ne voulais pas imaginer le fait qu’on puisse contrôler ta vie et ta mémoire. Tu voulais savoir, tu voulais te rappeler et avoir les réponses à toutes les questions qui te rongeaient. Alice semblait mieux vivre la situation que toi, mais également rongée par un souvenir impliquant des prénoms. Etrange… Encore plus quand elle te confie se souvenir de quelqu’un qui s’appelle Arcturus. Tu voulais croire aux coïncidences mais .. dans un endroit comme ça, cela t’étonnait que comme par hasard… Mais bon.
— « Ah bon ? Alice ? »
La, ton coeur se serre. Tu déglutis. Car tu te souvenais d’un prénom commençant par la lettre A. Tu avais longtemps cru ces derniers mois que c’était un A pour Arcturus… Mais si c’était un A pour Alice ? Tu allais trop loin dans le complotisme. Tu te faisais du mal avec des faux espoirs. Comme si cette fille que tu connaissais à peine allait te donner la réponse à tes questions existentielles.
— « Il y a des bugs dans ma tête. »
C’était tout ce que tu étais capable de lui répondre. L’air penaud tu hausses les épaules. Peut-être que tout ceci n’était qu’une grosse blague destinée à vous faire tourner en rond.
— « Je ne sais pas, chère Alice. Peut-être qu’on est liés. Ou peut-être qu’on se fout juste de notre gueule. »
Tu te relèves et tu t’étires.
— « Je vais te laisser, je pars en éclairage demain à l’aube. Donc il faut que je me couche tôt. Bonne nuit. »
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Tu sais plus pourquoi t’étais sorti ce soir là mais t’avais besoin de prendre l’air. Surement parce que tu dormais peu la nuit mais beaucoup la journée en secret. Des longues siestes dans les champs alors que tu es censé surveiller les alentours. 
Avant l’Entrave. Tu t’es toujours imaginée ta vie avant d’être ici, tu essais de rêver de ce que tu faisais, quel métier tu exerçais, si tu avais un copain ou autre… Mais rien ne te semblait satisfaisant. Tu ne trouves pas de réponses, toi qui est si curieuse, toi qui veux tout savoir. Tu ne trouves que des questions en plus et ça te rends parfois triste de ne pas te souvenir. Peut-être qu’il y a des personnes ici que tu as déjà connue, peut-être même des proches mais tu n’en sauras jamais rien. Sauf si ta mémoire revient d’un coup. Mais c’est assez mal parti pour que ça arrive.