ça va Ahn ? tu as un drôle d'air..., qu’elle lui demande. l’espace d’un instant, l’aveugle se renfrogne presque, n’appréciant pas qu’on aperçoive les fêlures de son masque. puis elle réalise que face à félice, elle peut se permettre la faiblesse. d’elle, elle n’avait rien à craindre. je crois que je viens d’avoir l’équivalent aveugle d’une hallucination. puis elle hausse les épaules, amusée de cette situation. que ce soit ses pensées qui se mutent pour lui montrer l'aura de quelqu'un sous la forme d'un loup, ou simplement le fait qu’elles se fassent la conversation en plein milieu de l’arène, sous le regard d'un public attentif.

un autre sort, aussi prompt que le sien. elle l’esquive avec un saut maladroit, mais ne tombe pas. alors qu’elle peine à regagner son équilibre, là qui réplique avec le premier sortilège qui lui passe par la tête, espérant que la rapidité la serve. cracbadaboum ?

elle demande des précisions, et ahn se fait la gardienne hésitante de sa réponse. si sa vision était presque insensée, il y avait toujours cette crainte, dans un coin de son esprit : celle qu’on la prendrait pour une folle. celle là est empathe, elle entendait parfois murmurer. ah, on rétorquait alors.

ça explique beaucoup.

alors elle était sage, mesurée, intelligente. avec une longueur d’avance. si on ne la comprenait pas, c’était parce qu’on était bête - elle évitait le blâme et les responsabilités. la folie.

un regard vers le public, vers leurs milliers d’auras qui brillaient comme des étoiles, leurs milliers de sentiments qu’elle tenait éloignée de son coeur d’une main hautaine. entendaient-ils tout, d’où ils étaient ?

Je ne me laisserais pas me mettre une deuxième fois ainsi si facilement ma chère ! Cracbadaboum ! elle reprochait son inattention à félice plutôt, et là voilà qui faisait la même erreur. reprenant ses esprits, s’éloignant des émotions qui lui montaient à la tête, elle entendit des coutures craquer.

et elle était certaine que ce n’était pas les siennes. quoi qu’il s’était passé, ça lui donnait une diversion. serrant sa baguette, elle se lança dans la fourberie, avec un informulé. c’était loin d’être sa spécialité, mais les duels étaient propices à l’entrainement. confundo.

et ça marcha.
peut être même trop bien.

alors qu’elle se réjouissait de sa petite victoire sur ces maudits informulés, elle sentit la confusion lancée sur félice à la portée de son empathie qui engloutissait tout - les sentiments les plus positifs comme les plus négatifs. ultimement, ce n’était qu’une piètre réflection : elle n’était certainement pas aussi déboussolée que son adversaire, mais le pêle-mêle qu’étaient ses pensées suffit à la faire tituber à son tour, la main sur le front comme si cela garderait son esprit à sa place.

mais elle ne pouvait pas perdre cet avantage si durement obtenu. à nouveau, elle lança le premier sort qui lui passa par la tête avant de retourner dans ses troubles, dans cette embrouillement bruyant qu'était l'intérieur de son crâne. un autre informulé - obscuro - parce qu’il semblait à ahn qu’elle ne connaissait plus son nom, ni pourquoi elle se battait ; et encore moins comment formuler une phrase compréhensible.

la confusion s’efface doucement, autant pour l’une que pour l’autre. la première pensée sensible d’ahn est un reproche - que ce confundo était une terrible idée et qu’elle n’avait jamais envisagé que son empathie la desservirait de cette façon. si d’aventure elle parvenait à la troisième étape de ce tournoi, ce serait une donnée nouvelle à prendre en compte, un paramètre des plus désavantageux.

un autre informulé qui faisait mouche - elle ne pouvait nier sa fierté. ainsi, félice était dorénavant aveugle. elles étaient sur un pied d’égalité maintenant. prenant grand soin à taire sa respiration erratique et fatiguée, elle durcit sa poigne sur sa baguette, attentive aux alentours. tandis que les autres duels se poursuivaient en gerbes et en étincelles, elles taisaient leur bataille : leur guerre était faite de silence et de non-dit. la tension était palpable.

elle n’osait plus bouger, mais se tenait prête à la moindre attaque - et celle-ci vint vite. elle entendit la magie, éclatante, et même si elle ne savait pas distinguer quel sort était lancé contre elle, elle ne doutait pas, malgré la tension soudaine entre elle, de la bienveillance de félice. le bouclier qu’elle érigea aurait presque pu être une option, parce que d’elle, elle craignait de perdre, mais pas de souffrir.

un soupir, et un expelliarmus lancé sans prononcer un son.

les sentiments mélangés des spectateurs se tenaient à la porte de son esprit, attendant une entrée dans un silence religieux. si elle se tenait contre celle-ci, si ahn approchait son oeil du judas, elle découvrait leur curiosité, leur appréhension et leur pari - car l'esprit joueur, les uns disaient aux autres : "c'est celle-ci qui va gagner." et l'autre répondait "non, c'est l'autre."

elle-même ne risquerait aucun pronostic : et quelle idée ce serait de sortir ses précieuses cartes en pleine arène. précieuses cartes qui, alors qu'elle fut suspendue dans les airs par la cheville, glissèrent de sa poche pour tomber au sol dans un lourd thud. elle les gardait toujours dans un paquet en carton, ce qui lui épargnait un embarrassant moment après le duel à les ramasser, mais simplement réaliser qu'elles n'étaient plus sur elle l'alarma.

de ses trois paquets, celui là était le plus précieux. elle ne l'utilisait jamais, mais il restait sur elle comme un porte bonheur, même si simplement le tenir dans sa main la plongeait dans une tristesse sans nom.

si bien qu'elle brisa le silence pour dire à félice : je sais que c'est une requête étrange mais peux-tu éviter les sorts qui pourraient abîmer mes cartes ? elle connaissait leur importance depuis leur mission commune - ça pourrait être son outil de travail. en revanche, ce qu'elle ne savait pas, c'est que ce paquet-ci ne lui appartenait pas vraiment. il y était inscrit en petites lettres noires "propriété de graves, d'asvos. à restituer à son digne propriétaire ou risquer 7 ans de malheur." puis en encore plus petites lettres, rouges cette fois : "posséder ces cartes ne suffit pas à connaître son futur. il faut un voyant compétent pour les interpréter. inutile de les voler. donc si je t'y reprends decima, ça va mal se passer !!"

ahn ignorait l'existence de ce deuxième paragraphe, puisqu'elle n'était pas là quand son mentor l'écrivit, très en colère contre une certaine decima, et qu'il n'était pas en braille. sa baguette toujours dans sa main, qui avait manqué de lui échapper lorsqu'elle s'était soulevée du sol, elle lâcha donc à l'attention de félice : donc pas d'aguamenti ou d'incendio, accompagnant ses mots d'un sortilège : un bloclang prononcé dans l'ombre de ses autres paroles.

si ce duel était sérieux, si ce duel était vrai, nul doute que son adversaire lui aurait ri au nez avant de réduire ses cartes en cendres. mais ce ne fut pas le cas de félice, douce félice, compréhensive félice. même si son étonnement transpirait de sa voix, elle considéra la requête avec sympathie et obligea ; et ahn n'en avait jamais douté.

merci, lâcha-t-elle alors que le sortilège perdait de son efficacité. avec douceur, elle tendit les mains vers le sol, pour le sentir arriver, et pour éviter de se blesser lorsque viendrait l'heure de se redresser. tous ces égards entre elles lui volerait presque son envie de combattre, de se prouver. fi de la notion de mérite ou de force : tout ceci ne semblait être qu'une question de chance, et la formule "que la meilleure gagne" sonnait comme une insulte à leur combat.

un informulé - et ahn ne le devina pas, ne sentant rien à travers son empathie, trop occupée à lentement se lever du sol, désorientée par ces quelques instants passés loin de lui. si elle avait été un peu plus attentive, elle aurait entendu un rat traverser l'arène et son cri d'effroi tandis qu'il encaissait le sort pour elle. mais elle ne vit rien de tout ça, se contentant de lancer un confundo une fois son équilibre retrouvé, sans sentir la panique grandissante de l'animal qui craignait de devenir une victime accidentelle de ce tournoi.

une plainte et ahn rit, amusée de cette familiarité entre elles. mes excuses, elle lâche tandis qu'elle ose quelques pas de côté, sa baguette bien dans sa main. il existait des choses pires que la confusion, particulièrement dans un duel, mais la sensation ne promettait pas d'être agréable pour autant. alors tandis qu'elle pointe son arme vers félice, tandis qu'elle conjure son sort dans ses pensées, ahn ne peut s'empêcher de ressentir une certaine appréhension : c'était peut être le dernier sort qu'elle lancerait aujourd'hui. c'était peut être le dernier sort qu'elle destinerait à quelqu'un de liontari, car la suite promettait d'être bien plus cruelle - avec des adversaires bien moins bienveillants que félice - si suite il y avait. alors elle soupire, la main presque tremblante, les yeux sans certitude aucune tandis qu'elle murmure sans courage : expelliarmus.