Atticus n'a jamais été très à son aise dans la forêt-qui-voit-tout. Déjà, parce qu'avec un nom pareil, ça n'aide pas à se sentir à l'abri. Et puis, vraiment, il a toujours cette désagréable impression qu'il va tomber sur quelque chose de très dangereux. On lui a toujours dit que des acromantulas vivaient là, et franchement, il n'a pas envie de vérifier. Atticus déteste les araignées, les petites comme les grosses. Alors, celle qui font deux fois sa taille, non merci, vraiment, c'est sans façon. Mais, passer par la forêt, c'est le seul moyen de voir Rasta. Le vieil ermite d'Asvos qui vit dans la forêt, il n'y a bien que pour lui qu'Atticus s'inflige le trajet par la forêt. Un frisson lui parcourt la nuque à l'idée de ce qu'il pourrait croiser ici. Jusque là, il s'en est toujours bien sorti. Et clairement, il compte sur sa chance pour ne pas l'abandonner, aujourd'hui encore. 

Ce sont des cris qui l'obligent à s'arrêter. Il fronce les sourcils et tend l'oreille, la baguette au clair parce qu'on ne sait jamais. Il a distinctement entendu quelqu'un crier, et il est quasiment sûr que ce qu'il a entendu ne convient pas à toutes les oreilles. Et la raison lui dit de poursuivre sa route, de rentrer à Ingary, mais Atticus ne l'écoute pas. Non au contraire il décide de suivre les cris qu'il entend par intermittence, de marcher vers l'origine du son. Toujours en étant prêt à attaquer au cas où, mais il y va. Et puis, il arrive dans une petite clairière, et il le voit enfin. Un instant, Atticus reste à l'abri, près des arbres, histoire de savoir un peu à qui il a affaire. Le jeune homme se tient au milieu de la clairière, les cheveux d'un rose vif. Visiblement quelqu'un qui s'est perdu, et qui est très en colère, vu les cris qu'il pousse et qui pourraient attirer à peu près toutes les pires bestioles qui vivent dans cette forêt.

Et soudain, ses cheveux changent. Les yeux d'Atticus s'élargissent légèrement sous la surprise. Du rose, ils sont partis vers du vert. Ça, c'est pas banal. Un métamorphomage avec les cheveux qui jouent l'arc-en-ciel. Et qui ne maîtrise pas du tout. Il l'observe un instant, avant de décider qu'il ne craint rien. Et Atticus fait un pas dans la clairière. « C'est parce que tu t'énerves. » Doucement, Atticus range sa baguette dans une de ses poches intérieures, et lève les mains, pour montrer qu'il n'est pas une menace. « Les changements de couleur de cheveux. » il précise, quand même. « C'est parce que tu t'énerves. » Et il lui adresse un sourire, pas son habituel sourire malicieux, quelque chose de plus calme, de plus rassurant. « Ca me le fait aussi, quand je m'énerve. Mais jamais avec autant de couleurs, ceci dit. » Atticus fait un pas vers le jeune homme, pour voir un peu mieux ses cheveux. Des tâches marrons dans le vert. Oui, c'est original, à n'en pas douter. Et Atticus est tellement intéressé par le jeune homme et les nombreuses couleurs dans ses cheveux qu'il ne pense même pas à se présenter.

Faut dire, Atticus aime bien les métamorphomages. Il est toujours content et surpris d'en trouver un nouveau dans l'Enclave.

Le sourire d'Atticus s'élargit encore un peu face à l'incrédule. Il acquiesce, comme pour confirmer ses dires. Oui, ça lui arrive, à lui aussi. Il a envie de lui tourner autour, de le regarder sous toutes les coutures. Parce qu'il ne fait aucun doute qu'il en a trouvé un autre, un nouveau métamorphomage dans l'Enclave. Et pourtant, celui-là, il a l'air complètement perdu. Et c'est peut-être ça qui empêche Atticus de vraiment lui tourner autour. Pour ne pas le terrifier d'avantage.
Et puis, les questions commencent à arriver. Atticus ne manque pas de remarquer que ses cheveux redeviennent blonds. Ah, alors à la base, il est blond. C'est intéressant. « Chez les métamorphomages, oui, c'est quelque chose de courant. Mais ça reste un don assez rare. Dans l'Enclave, on n'est pas si nombreux. » Bien entendu, Atticus ne prétend pas connaître toute la population de l'Enclave pour savoir s'ils sont ou pas nombreux. Et puis, l'inconnu fait un pas vers Atticus, scrutant le haut de sa tête. Comme pour le lui montrer, les cheveux d'Atticus, en partant des pointes commencent à se colorer en un rose pétant. Cela ne lui prend qu'une seconde ou deux, et lorsqu'il est arrivé au résultat espéré, il lui adresse un sourire éclatant. La différence entre eux, c'est qu'Atticus a maîtrisé sa transformation, il a choisi la couleur.

Et il ne peut retenir un petit rire amusé lorsqu'il lui demande ce que cela apporte d'avoir les cheveux arc-en-ciel. « C'est pas tellement la question. » Ses cheveux reprennent leur teinte châtain habituelle. Il lui fait penser à un enfant. Un enfant perdu dans l'Enclave, un enfant avec un don qu'il ne maîtrise pas du tout. Atticus se souvient lui aussi, d'une époque, un peu après son arrivée ici, où il avait beaucoup plus de mal à maîtriser ses changements soudains. Mais il a toujours aimé cette capacité. « Notre particularité est liée à nos émotions. Il paraît qu'on est incapable de cacher ce que l'on ressent. » Et il doit admettre que c'est probablement vrai. A différents degrés. Atticus n'a jamais pu cacher sa colère ou sa tristesse. Il finit forcément par être trahi par ses cheveux ou ses iris. Parfois les deux, si vraiment il n'a pas de chance. « Le truc, c'est que plus ce que tu vas ressentir sera fort, plus ça s'affichera sur toi. » Il espère qu'il est suffisamment clair. Pour lui, c'est quelque chose de naturel, il a fini par accepter que tout le monde pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert. Et les changements d'apparence sont beaucoup plus décidés.

Et comme pour lui montrer ce qu'ils savent faire, Atticus se concentre, et il sent tout son corps évoluer. Il se met à grandir un peu, ses cheveux se raccourcissent, et en moins d'une minute, il est devenu une copie conforme du jeune homme en face de lui. « Tu vois, » il a gardé sa voix à lui « c'est un don plutôt cool. »

Il voudrait lui montrer qu'il n'y a pas de raison de le craindre ou de le haïr ce talent. Et d'un petit pop, il reprend son apparence.