ça remonte à cette première année désastreuse, ce souvenir qui vient la chatouiller alors qu'elle observe - désabusée - le ballet ridicule de deux idiots enamourés par la fenêtre de son modeste logement. un pointe aigre vient frapper à la porte de son cœur et elle se détache de son observation. elle s'ennuie, moïra, elle s'ennuie fermement. personne ne requiert son aide, personne ne la sollicite, personne ne vient la distraire d'écouter pousser la graine de la folie qui germe dans son esprit.
alors, en un éclair, elle fait volte-face et décide de revenir à cette réminiscence. d'y revenir physiquement. un bref sourire étire ses lèvres et après quelques dizaines de minutes, elle se laisse happer par le voyage vers ingary. déphasée, sans personne vers qui retourner, sans heure pour rentrer, elle se dit qu'elle dormira où elle peut, peu importe. mais avant ça, elle pousse avec nonchalance la porte de la bibliothèque, pour y choisir un ouvrage, le subtiliser et puis le rendre. ou pas. elle ne le fera que si elle recroise cette jeune fille. celle avec le grand front et les yeux écarquillées. celle qui l'avait bien amusé. impossible de se souvenir de son patronyme. impossible de se souvenir même si elle le lui avait donné. elle veut juste embêter quelqu'un et c'est sur elle que ça va certainement tomber.
Tes mains supportaient ta tête ennuyée. Tu observais les curieux qui cherchaient leur bonheur entre les reliures de cuir et le papier. Tu vois des ingrats qui ne reposent pas les ouvrages où ils devraient être. Analphabètes de la politesse, ces gens laissent un goût amer dans ta bouche que tu réprimes toujours avec brio. Mais une moue insatisfaite se fraye parfois un chemin jusqu’à tes lippes. La maniaquerie n’est pas une de tes tares, mais il y a certaines choses qui te déséquilibrent. Peut-être aussi est-ce simplement parce que c’est ton métier et que tu veux bien le faire.
Dès que leurs silhouettes disparaissent pour d’autres allées de bois et de papier, tu te lèves de ta chaise. Tu corriges les erreur et remets l’ordre dans l’étagère de bouquins. Tu les traites avec douceur les livres, presque autant que si c’était des humains que tu rangeais pour qu’ils dorment tranquillement. Une fois ta tache fini, un sourire satisfait s’accroche à ton visage. Tu te tournes pour retourner à la place qui t’es réservée. Le sourire disparaît pour une expression plus étrange, hésitante et muette. Ta bouche est entrouverte comme un piège à mouche. Tu reconnais non loin de toi cette améthyste tricotée en cheveux et ce dos que tu as vu se tourner alors qu’elle a arraché un livre de cette bibliothèque profitant de ton idiotie. Tu rougis de honte. Pour te prouver que tu n’es plus si bête, tu vas voir la jeune femme d’un pas que tu penses décidé. En réalité on voit plus la démarche d’un elfe de maison. Tu inspires un grand coup et soupir un « bonjour ». Ceux qui s’entendent mais qui ne font pas d’écho, tu souhaites garder le silence de cette bibliothèque intacte. « Vous cherchez quelque chose ? » téméraire timidité qui se cache sous des mots que tu utilises tant. Tu avais peur qu’elle ne réitère et par conséquent, tu allais la surveiller.
le bruit des pages que l'on tourne, cette odeur de papier et de cuir persistante. les bibliothèques ont ce parfum de savoir et de vieux livres qui se respire à plein poumon en espérant en ressortir plus savant. moïra observe les alentours avec une certaine lenteur, appréciant le visage de chacun, la forme de la salle, et les quelques réminiscences de cet endroit qui pointent entre deux battements de cils. elle a l'impression que ses pieds n'ont pas foulés le sol de la bibliothèque depuis des lustres. illusion de l'esprit. une petite silhouette se détache dans le décor, s'avançant de façon dégingandé vers elle. sa voix est fluette, collant à son corps, harmonie de l'ensemble. c'est une petite chose que cette documentaliste. et moïra est comme ces serpents qui ouvrent grand grand grand leurs gueules pour avaler les gens tout ronds. dans un geste élégant, elle repousse ses cheveux en arrière et offre à la jeune femme son plus masque d'indifférence.
« bien sur. c'est vous que je cherchais. et maintenant que je vous ai trouvé, je vais vous tenir à l'œil. »
le coin droit de ses lèvres se plissent dans ce qu'on pourrait croire être le début d'un sourire. mais rien de plus. pourtant en son for intérieur résonne un doux rire. sera-t-elle confuse ?
Essayer de passer pour une adulte, t’es censée en être à moitiée une. Mais haute comme trois pommes et face à cette femme tu as l’impression d’être une enfant bas âge. T’as le sourire de plastique plaqué sur les lèvres. Tu l’as abordé comme si tu ne la connaissais pas en espérant qu’elle cherche vraiment un livre. En espérant qu’elle ignore votre première rencontre et qu’elle s’en aille vite fait. Ces pensées sont vilaines et tu te détestes de les avoir, mais tu troquerais bien ta gentillesse maladive et ta connerie enfantine aujourd’hui. À sa réponse tu es comme stupéfixée. Qu’est-ce qu’elle a dit ? Pourquoi ? T’as pris une toute petite inspiration et tu t’es arrêtée là, l’air bloqué dans tes poumons. Qu’est-ce que tu peux bien lui répondre ? À la base c’est toi qui avait prévu de la surveiller. Elle t’a prise de cours la démone.
« Je… b-bien… vous... » t’as l’air ridicule à pas savoir quoi répondre. Comment les autres ils feraient ? Tu prends une grande inspiration pour te calmer, elle se moque de toi sans aucun doute. « J’ai encore des livres à ranger. » soudain tu sais, optimisme inébranlable, une voix dans ta tête qui te dit de ne pas t’arrêter sur la première impression, « un œil sur moi d’accord, les bras peuvent m’aider ? » tu avais d’autres livres à ranger. Tu n’étais pas sérieuse bien sur, mais tu essayais d’avoir de la répartie. Tu es intimidée mais tant que t’as les lippes étirées, tout ira bien.
touché. pas tout à fait coulé. elle bafouille, babille, se barbouille de ridicule comme une enfant prise sur le fait. et moïra s'en amuse sans que même un de ses sourcils ne frémissent. crocodile effleurant à peine la surface de son lac, elle observe sa pauvre victime se noyer. ou pas. dans un bref regain de consistance, la jeune documentaliste s'extirpe doucement de sa confusion. elle sourit, parle. articule un semblant de proposition. mais moïra n'est pas décidée à être coopérative. bien au contraire et c'est en croisant ses bras contre sa poitrine qu'elle lance un léger :
« les bras de qui ? les miens ? »
une pointe acide, un sourcil relevé. son visage est impeccablement lisse et pourtant il recèle quelque chose qui dit est-ce que c'est une blague ? elle observe la jeune femme de bas en ... bas. il faut dire que ce n’est pas ce qu'on pourrait appeler un grand gabarit. puis tout à coup, elle pousse un léger soupir et décroise ses bras. la naïveté étouffe cette fille. vraiment. l'idiotie, un peu aussi.
« très bien. »
un jeu d'enfant que de voler un second livre finalement. elle lui offrait la parfaite opportunité.
Elle avait des allures de jolies fleurs. Ces fleurs qui empoisonnent mais qui son si belle. C’est pour ça qu’une part de toi la craignait et que l’autre était persuadée que tout irait bien. Qu’elle n’est pas si mauvaise. Malgré tout, ce que tu as dit ce n’était pas vraiment pour l’inviter à t’aider, tu voulais la faire se résigner. Qu’elle prenne un bouquin, entame une lecture et te laisse travailler. Le venin dans les mots qu’elle crachait, ça te faisait penser qu’elle allait faire comme tu l’avais prévu. Tu ne pouvais pas la regarder dans les yeux quand elle parlait comme ça. T’es pas de ces gens qui défient, t’es pacifique.
Tu lèves les yeux vers elle quand elle accepte. T’aurais pu dire que t’étais pas sérieuse, t’as choisi de laisser couler. De répondre par un sourire peut-être un peu forcé. Est-ce qu’elle a vraiment le fond que tu lui attribues ? Tu prends une pile de livres plus grande que ta tête et tu la cales sous ton menton. En temps normal tu l’aurais fait en deux fois, mais là t’avais envie de montrer que t’étais capable. « Vous venez ? » adresses tu gentiment à la jeune femme alors que tu te diriges dans une allée proche. Puis tu te retrouves bloquée face à une étagère, parce que tes deux mains sont prises tu ne peux pas ranger les livres. « e-excusez moi ? » tu ne pensais pas lui demander de l’aide de sitôt. Tu ne pouvais pas lui demander de porter tout ces livres, ça serait trop lourd et fortement impoli. « vous pouvez prendre le premier livre de la pile et le placer dans la troisième étagère en partant du bas et le deuxième livres en partant de la gauche ? » t’avais les biceps qui travaillaient durs. .
elle lis dans ses yeux comme dans un livre ouvert. miroir de l'âme facilitant la communication entre êtres humains. mais moïra est comme un serpent, fixant ses pupilles fendues sur sa prochaine proie, se mouvant dans un ballet hypnotique de gestes et de pas, se servant de son intellect comme d'une langue bifide. elle hume les faiblesses, les douleurs et les failles. et s'empresse d'appuyer dessus pour voir si ça fait mal. elle avance en tâtonnant sur des plaies ouvertes. on crie, elle ne cille pas. mais ce qu'elle ne dit jamais, c'est qu'elle souffre de tout ça. c'est son vice, elle aime disséquer les esprits, et si elle pouvait elle se servirait probablement très souvent de sa legilimencie. mais.....
« je vous excuse. » lance-t-elle nonchalamment. elle observe la jeune fille encore quelques dizaines de secondes avant de daigner s'exécuter. et tandis qu'elle range les livres dans l'étagère, elle jette un coup d’œil aux titres qui passent et se demande bien comment est-ce qu'autant d'ouvrages ont pu être entassés dans cet endroit fermé ? elle se redresse enfin et regarde la jeune femme.
« n'y a-t-il une zone qui concerne les ouvrages sur les aptitudes magiques ? »
Elle est pas si méchante. Elle est juste étrange, avec son air supérieur et ses yeux de serpent. Vicieuse peut-être, tu n’y fais même pas attention. Tu essayes beaucoup trop de te concentrer sur les bons cotés qu’elle pourrait montrer. Elle pourrait presque être drôle si elle n’était pas sérieuse dans ses manières. Elle fait se que tu lui as gentiment demander et ça, ça te réchauffe le cœur. Tu t’en voulais presque d’avoir pensé qu’elle n’était que mauvaise. Tu n’as plus dans les mains que deux livres et tu préfères les ranger toi même maintenant que tu es libre de bouger sans risque de te rétamer sur le sol.
À sa question tu te demandes bien ce qu’elle veut y faire, mais en soit tu n’as pas à demander. Même si ta curiosité te pousse à poser la question. « Pas vraiment une zone entière mais il y a une allée oui. » tu l’observes, persuadée qu’elle n’a aucune mauvaise intention. « Elle est part là » dis tu en partant la première vers l’opposé de la bibliothèque.
aussitôt demandé, aussitôt offerte - l'allée tant recherchée. le vœu exaucé. moïra s'amuse d'obtenir si facilement l'engrenage parfait pour son crime parfait. elle est si pleine de vice et si tendre à la fois, compatissante. elle aimerait, au fond, pouvoir secouer cette jeune femme et lui dire d'arrêter là, d'être moins naïve, d'être moins gentille, d'être moins.... elle-même. mais plutôt que de le faire avec des mots et des gentillesses, de leçons de morales comme des caresses, elle fait de manière biaisée parce que sa vision du monde est viciée. moïra est de travers. elle suit avec ses mains dans son dos la jeune documentaliste qui s'avance avec plein de bonne volonté. mignonne, se dit-elle, tu ne sais pas dans quoi tu t’entraînes.
« c'est étrange d'avoir autant de livres dans un endroit où finalement si peu de monde vit ou a vécu... »
ajoute-t-elle à voix haute. ses yeux dansent d'un livre à l'autre à la recherche de l'ouvrage tant espéré. « n'y-a-t'il rien sur la légilimencie et l'occlumencie ? » flegmatique, elle pose un doigt sur une couverture poussiéreuse, sans émettre la moindre onde d'émotion.
La question qu’elle soulève, tu t’étais posée la même en arrivant ici. Mais tu t’es fait bien trop vite happée par le papier. Tu bois l’encre comme du petit lait, t’as pas eu le temps de répondre à cette interrogation. Le truc, c’est qu’ils sont là les livres, et si ça choque au début, on s’y fait. Tu sais qu’il y a quelques doubles, ça donne une impression d’abondance, mais aussi qu’il y a peu de roman. Ce n’est pas surprenant, puisque les gens ont autre chose à faire que fantasmer sur des écrits imaginaires. « Je suppose qu’une fois arriver ici, les gens ont commencé à tout mettre sur papier pour ne rien perdre des connaissances » c’est comme une immense base de données cette bibliothèque.
Ta méfiance c’était envolée, du moins en grande partie. Tu essayais d’être responsable. Elle avait cette tendance à piquer ta curiosité et toi tu résistais tellement à ne pas gratter. Pourtant, ça t’appelait, mais t’avais peur de finir dans quelque chose de moins sympas. « Il y a celui là. » tu lui réponds en montrant du doigts un bouquin qui réunissait Occlumencie et Légilimencie. Tu l’as lu, c’est très intéressant comme pratique. « Vous voulez savoir quelque chose en particulier dessus ? » et voilà, t’as craqué. Faible, un aimant à questions.
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